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la thailande vue par moi


CARNET DE VOYAGE 
THAÏLANDE 
 
 
 
L’ESTHETICHIENNE AURAIT DU JETER L’EPONGE 
 
 
Trois chaises de plastique, un seau d'eau, quelques éponges, deux serviettes, des crèmes de beauté, un panneau géant : PROMOTION 50 BAHTS (un euro). 
C'est le salon de beauté du marché central, Soi Buakao. 
Deux jeunes et jolies thaïes sont occupées à masser, à poser des masques de beauté et à harponner le client, tout en même temps ! 
Time is money. 
La « patronne » est assise, royale avec, sur les genoux, une espèce de pékinois hideux accoutré - malgré les quarante degrés ambiants - d'un manteau de coton vert pomme et d'une casquette de poulbot assortie. 

 
- MADAAAAAAM SIT DAOOOOOOUNE !!! me hurle la patronne en thaïglish. 
Comme je ne rate jamais une promo, je m'assieds, docile. 
On fait lever un tatoué teuton avec son masque bleu sur le visage (pas assez de chaises). Il ressemble au grand Schtroumpf. 
Je prends sa place et je constate avec horreur qu'on va me « purifier » le visage avec une eau plus que douteuse et des éponges qui ont déjà quelques heures de vol… 
Trop tard ! Les éponges ont déjà entamé leur parcours contaminé sur mon auguste minois, ça sent un rien l'égout, mais nous sommes au pays du sourire ! 
 
On me tartine d'une crème camphrée étalée à la hâte. Promotion is no solution. 
Le téléphone mobile de ma tortionnaire sonne et me voilà, beurrée comme une tartine, attendant pitoyablement la fin d'une conversation au goût d'éternité. 
A côté de moi, une cliente thaïe, du nom de Foen (elles s'appellent toutes comme cela, ici) mange avec délectation des cancrelats grillés fraîchement sortis d'un cornet en papier journal. Je la regarde en refrénant une nausée et avec grâce, elle me tend généreusement le cornet. 
Je ravale ma salive camphrée en expliquant que je viens de déjeuner. Elle sourit et remballe sa cargaison Flytox. 

 
La conversation téléphonique enfin terminée, me revoilà « en mains ». 
Le massage qui s'ensuit est, ma foi, agréable, mais je ne peux m'empêcher de repenser aux cafards et de jeter un coup d’œil sur les éponges mille fois réutilisées qui nagent vaillamment en eau trouble. 
Le pékinois émet un long râle, je me dis qu'il va enfin mourir, mais non, il m'a simplement prise en grippe : il descend des genoux de sa mère et me mordille les chevilles en aboyant. 
L'ambiance n'est pas vraiment feutrée, mais le massage continue d'être bienfaisant. 
 
Au bout d'un quart d'heure, j'ai droit au « gommage ». Là j'ai l'impression que l'on me passe au papier de verre en mettant sur ma peau une poudre de pili-pili. 
Stoïque, je ne bronche pas, mais mon visage parle de lui- même, il vire à l'écarlate. 

 
Pour me rafraîchir, ma bienfaitrice me pulvérise à l'eau croupie. 
Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, elle me talque abondamment la frimousse. Ici, pour être belle il faut être blanche, sinon on ressemble à une minable cueilleuse de riz. 
A mon sens, j’ai plutôt l’allure d’un masque nô. 
 
Arrive enfin le moment de payer, mais mon porte monnaie a subi un gommage, lui aussi. Quelque kleptomane avisé m’en a soulagée au marché. 
Heureusement, sur les conseils du guide du routard, j’avais gardé en poche un peu d'argent. 
 
Je me lève pour partir, soulagée que ce soit terminé, mais mon paréo reste collé à la chaise plastique. 
Etant dans la trajectoire du toutou, c’en est trop pour lui qui se croit attaqué ; il me mord de bon cœur, cette fois-ci , le mollet. Vive les promos ! 
 
Le marché étant à une solide distance de mon domicile, la disparition de mon porte monnaie commence sérieusement à me poser problème. 
Heureusement, les Thaïs sont aussi doués pour donner que pour prendre : un chauffeur de songtaew qui a eu pitié me raccompagne chez moi. 
 
Je garde en mémoire la boutique de cette « esthétichienne » exotique. Tous mes souvenirs thaïs sont semblables aux images de ces kaléidoscopes aux multiples et attachantes facettes : colorés kitsch et totalement insolites. 
 
 

 
 
 
BANGKOK 
 
Masques blancs médicaux 
Barrière anti pestilence 
Respiration suspendue aux bouches 
Béance 
Souricières avec passages aériens en surplomb d'entrelacs grouillants 
Smog 
Agressions sonores croisées sous soleil implacable 
Mendiants accroupis au bord des eaux croupies  
Tourbillon d'abeilles sur gâteaux dégoulinants de miel 
Bombance réservée 
Etals colorés 
Murs rongés par le salpêtre 
Gangrène 
Transports bondés 
Sirènes hurlantes 
Urgence 
Arrêt sur image 
Pesanteur des nuages 
Chaos, anarchie, cacophonie. 
 
La frénésie des constructeurs a nourri les hauteurs 
Habité tous les vides - tiroir caisse - pestilence - corruption 
Dégueulis des hauts parleurs sur musique patriotique 
Murs placardés de visages carnassiers au sourire figé sur gravats 
Sourires enkystés 
Slogans prometteurs sur égouts incontinents 
Vieillards immobiles aux yeux englués de mouches 
Arrêt sur image. 
 

 
 
SOLEIL COULEUR LINCEUL 
 
 
Soleil couleur linceul 
La mer dégueule 
Des cadavres bleuis... 
 
Soleil couleur linceul 
Impuissance des corps 
Aspirés, siphonnés 
Arrimés, abîmés 
Tourbillons fracassés 
Débris de toutes sortes 
Et morts entrelacées 
 
Soleil couleur linceul 
Et vols de corbeaux 
Pour filmer en direct 
Le reality show 
 
Soleil couleur linceul 
Un petit gamin seul 
Ne dira plus jamais 
Ni « papa », ni « maman » 
Pulvérisés ensemble 
Ils voguent au firmament, 
Soleil couleur linceul, 
Le sang, les larmes, la mer 
Le sol jonché de corps, la pestilence amère 
Paradis annoncé, devenu un enfer 
 
Soleil couleur linceul 
Sur un lit d’hôpital 
C’est la résurrection 
Ou bien l’issue fatale 
 
Soleil couleur linceul 
Disloquées les familles 
Qui ne comprennent rien 
A la folle infamie 
 
Soleil couleur linceul 
Pour les âmes damnées 
Lendemain de Noël 
Loisir du condamné 
 
Soleil couleur linceul 
Galop de chevaux déchaînés 
Ecumant l’homicide 
Piétinant au passage 
Des formes sans visage 
 
Soleil couleur linceul 
Pourrit les corps putrides 
Des Robinsons maudits... 
 
Faut planquer au plus vite 
Avant épidémie 
 
C'est la fin de l 'année 
Et les feux d artifices 
Sentiront le cadavre 
Au nom des pères, des fils 
Parti le saint esprit ! 
 
Soleil couleur linceul 
tous ces doux paysages 
Véhiculent à présent 
De funestes présages 
Ils étaient de passage... 
 
La mer les a ravis. 
 
 
 
 
 
 
HISTOIRES DE TACT AU PAYS DU SOURIRE 
 
 
AU SALON DE MASSAGE 
 
Les massages y sont donnés par des non voyants. 
Je suis fidèle à Sayam . 
 
Je me laisse aller sous ses douces mains. 
- Mama Suzy (c’est moi) pumpui (grosse, en thaï), mama Dany, beautifuuuuuuuuul !!!! (ma sœur aînée dont le métabolisme accéléré lui permet de manger sans payer l’addition).  
 
Elle continue et masse mon ventre généreux. 
- Oh tengmuuuu ! (de la pastèque en thaï)  
Et pour illustrer son propos, elle tape sur mon ventre ; un bruit de tam tam retentit dans la salle. J’ai honte… Elle rit. 
 
A ma voisine Ady, une très belle femme aux seins un peu boostés : 
- Oh, silicone !!! 
On ne la lui fait pas, à Sayam. 
 
Sayam est non voyante. Dans ce salon mixte et très fréquenté, nous l’aurions préférée muette. 
 
 
DANS LE SONGTAEW (taxi collectif local) 
 
 
Un marchand ambulant est assis en face de moi. Dans son panier, il a toutes sortes de crèmes, dont un baume de massage. 
Je le lui achète, car mon dos fait des siennes. 
 
Il en profite pour faire sa pub : il dégaine un tube de pilules et les tend à mes voisins, une bande (si l’on peut dire) d’ Italiens entre deux âges. 
- Viagraaaa ? THAI VIAGRA, not expensive, you need ! 
Les messieurs se sont docilement laissés faire. Dans ce pays de tourisme sexuel, le viagra est parfois plus utile que la crème solaire. Cet intermède a provoqué l’hilarité dans le taxi. 
 
Vu les bonnes dispositions de la clientèle de ce songtaew bondé, il sort de son sac à malices de la crème anticellulite en criant : 
- Madaaaam, good for youuuu ! 
Je me suis docilement laissée faire. Dans ce pays où les oiseaux de paradis pèsent 40kgs tous mouillés, la crème anticapitons est parfois plus utile que la crème solaire. Je ne ris plus. 
 
 
A LA PLAGE 
 
Je commande un riz sauté. 
Et le serveur de me dire sur un ton péremptoire 
- No. Take salad, better… 
 
 
CHEZ LE COUTURIER 
 
- Oh madam, I’ll make you a dress to make you look less fat (je vais vous faire une robe qui vous fera paraître moins grosse). 
 
 
JACKPOT 
LE PETIT ELEPHANT DE PATTAYA 
 
J'adore les pachydermes, nous sommes de la même famille (j'ai poussé en largeur). 
Au Kenya où j'ai vécu treize ans, j'ai connu le bonheur immense de les voir évoluer dans le bush, se déplacer en famille et protéger jalousement leur progéniture. Je les ai vus chercher avec bonheur leur nourriture et marcher en ligne double avec, entre leurs pattes énormes, comme derrière des barreaux, les malhabiles nouveaux nés. 
 
En Thaïlande, les éléphants sont de précieux transporteurs de teck.  
Ils travaillent dans les forêts du nord, à longueur d'année, tractant des grumes. Dans leur élément, ils sont heureux et évoluent allègrement dans leur biotope verdoyant. 
 
Jackpot a échappé à son destin d'éléphant. 
 
Hier, comme tous les soirs, je l'ai vu déambuler dans la ville avec son cornac peu scrupuleux qui l'a transformé en rente viagère. D'une main, il tient la corde à laquelle l'animal est attaché et de l'autre des sacs de bananes. 
 
Pour vingt bahts, les touristes peuvent nourrir la bête - aussi adaptée à la ville que moi aux forêts de tecks - et la photographier sous toutes les coutures...  
Jackpot traverse les bars inondés de néon et les avenues polluées, il doit même remercier en levant la trompe et les pattes avant. 
 
Adieu Teck, bonjour Toc.  
 
 
KATOEY 
 
FOEN : c’est une bulle de savon, un feu follet, l’éphémère dans toute sa folle fulgurance, c’est la beauté nubile d’un adolescent et la féminité exacerbée d’une mutante. 
FOEN : c’est une princesse née esclave, c’est la peur des lendemains qui déchantent, c’est aussi un double-je. 
FOEN : c’est la vie à la vitesse de la lumière, c’est une voiture rose irisée, c’est une paire de seins en silicone, des ongles en résine interminables et un sexe de jeune garçon. 
FOEN : c’est une fleur qui s’effeuille bien plus vite que les autres au souffle de la brise de l’automne, ses pétales de soie couleur cannelle s’envolent à tous les vents. 
 
La première fois que je l’ai vue, j’ai eu l’envie de l’approcher, de lui parler. Elle m’intriguait et me fascinait à la fois. 
Par chance je connaissais Marie, dont l’époux vit actuellement avec Foen. Ils se sont mariés devant les bonzes. 
 
Ce couple hors du commun m’a gentiment permis d’en comprendre un peu plus sur la vie des KATOEY : les lady-boys comme on les appelle aussi, ici , en Thaïlande. 
 
Parler des Katoey est extrêmement difficile si on n’a jamais eu l’opportunité d’en rencontrer. 
 
Avant d’avoir eu la chance de parler à FOEN et qu’elle se livre avec une infinie générosité, j’ai pris avec DENG des cours de sculptures sur fruits et légumes. La communication avec cette dernière a été plus difficile car elle ne parle pas un mot d’anglais.  
Il me reste pourtant à l’esprit sa grâce infinie et une anecdote incroyable, un après midi : 
 
Deng s’appliquait pour m’apprendre à sculpter une goyave. 
Son talent et sa dextérité, je les buvais jusqu’à la lie. Le cours avait lieu à l’extérieur du salon de massages que je fréquente assidûment.  
Un jeune homme à moto est tombé en panne à proximité de nous. DENG, la délicate, s’est levée, m’a demandé de l’excuser et examiné l’engin. Toujours avec la même grâce et une générosité époustouflante, elle a mis ses mains manucurées dans le cambouis et a réparé l’engin : la même maestria ! 
 
Féminin-masculin, aberration ambulante, DENG ou FOEN, ou le bon nombre de katoey qui vivent à PATTAYA, transportent en elles le meilleur des deux mondes. 
 
Les Katoeys : 
 
Les Katoeys sont les transsexuelles thaïes 
De la vapeur d’étoiles comme dit Alain 
Des anges en quelque sorte 
Qui font un bref passage dans la vie 
Un bref passage tout en souffrances 
Un bref passage pendant lequel elles vivent à la vitesse du son 
Elles rient, elles dansent 
Artistes jusqu’au bout des ongles 
Emmurées 
Dans leur féminité latente. 
 
Toute cette énergie, elles la transportent dans un corps qui est : une promesse non tenue, une issue sans secours, une facture impayée, un apprenti sorcier, un entre-deux mers, un corps dont elles cachent savamment la masculinité qu’elle abhorrent, une enveloppe qui ne leur correspond pas. Leur vie, elles la commencent dans la peau d’un garçon avec, tatouée dans leur âme, le rejet social et familial. 
 
Plus tard, elles se gavent d’hormones pour devenir des femmes, et ces médicaments suscitent des changements extrêmes aussi bien physiques que caractériels auxquels elles doivent s’adapter. 
Quand elles en ont les moyens, elles subissent des opérations de transformation qui entraînent d’atroces souffrances avec, à la clé, la stérilité à vie. 
Ce sont des mutantes. La transformation est longue, frustrante, excitante et triste à la fois. 
Celles qui ont de la chance, rencontrent des hommes et vivent une histoire d’amour. Les autres sont embauchées dans des cabarets, ou font de menus travaux. 
 
 
J’ai rencontré FOEN à Pattaya. Elle a bien voulu me raconter sa vie, son parcours de paria. 
Elle naît garçon avec une sœur jumelle, d’une famille de sept enfants dans le nord est de la Thaïlande, une région particulièrement défavorisée. 
Son calvaire commence à sept ans lorsque, travaillant au champ, à la culture des pommes de terres, son désir de devenir fille se fait sentir. 
Elevée avec sa sœur, elle a les mêmes jeux, les mêmes aspirations. Pourtant elle est vite victime de l’opprobre familial et social. Tous les malheurs lui sont imputés ! Diabolisée en toutes occasions, elle ne trouve grâce aux yeux de personne. 
 
A fleur de peau, à fleur de cœur, elle décide à treize ans de quitter sa famille pour aller travailler dans une ferme à cochons. 
Elle bosse si dur qu’elle ne peut faire autrement que de retourner chez les siens, usée par le labeur inhumain à la ferme. Un petit boulot dans un salon d’esthétique l’attend mais, affaiblie, elle ne peut le garder longtemps. 
 
L’Eldorado. 
 
Pour l’amour des siens et dans le but de se faire accepter avec sa différence, FOEN se rend en ville, à Pattaya, réputée pour attirer des touristes de tous pays. 
Des Farangs.  
Des big money, comme on les appelle ici. 
 
Livrée à elle même, elle trouve un pénible boulot : réveil à quatre heures du matin pour le marché, achat de bananes et cuisson des fruits à la friteuse, par une température de quarante degrés. 
Toutes ses journées se passent ainsi pour un salaire si misérable qu’elle prend un boulot d’appoint, le soir. 
Remarquée pour sa gentillesse, on lui confie la distribution de brochures sur la beach road pour la vente d’appartements en time sharing. 
On lui offre une chambre exiguë où elle rentre dormir et rêver à sa transformation en femme. 
Mais elle travaille sans relâche. Aucun congé. Rien ! 
 
 
 
LE MENUISIER ET L’APPRENTI 
 
 
J’ai rangé mes dessins et mes textes dans un tiroir et j’ai pensé qu’il serait bon de les rassembler pour les relier. 
N’habitant pas très loin de la Tepprasit road où il y a de nombreux menuisiers, je me suis dit qu’une jaquette en bois serait indiquée : le bois c’est beau, ça vit, ça respire, c’est naturel pour enfermer tous ces enregistrements pirates, c’était bien ! 
 
Je suis entrée chez le premier commerçant de la rue. Sa boutique sentait bon la sciure. 
Le vieil homme était assis sur le pas de la porte pendant qu’un apprenti travaillait « au ralenti » dans le fond de la boutique. 
Par quarante degrés, les forces se liquéfient sous la chaleur moite et tropicale. 
 
Je me suis adressée en anglais au vieux monsieur sec et buriné comme un sarment.  
Il m’a regardé l’air un peu ahuri et n’a pas semblé comprendre ma demande.  
Conciliabule avec le jeune apprenti, venu du fond de l’échoppe, un peu plus anglophone, mais si peu. 
J’ai fait un dessin et le vieux m’a considérée avec bonté, j’ai pensé : c’est gagné.  
Re conciliabule avec l’apprenti, puis mise au boulot. 
Il a pris la mesure des feuilles et s’est mis à découper le bois pour la future jaquette. 
 
La poussière de bois montait à la gorge, s’ajoutant à la fumée des cigarettes brunes du vieux qui tirait comme une cheminée. 
Je l’ai regardé scier, raboter, je pensais qu’il n’avait pas tout à fait bien compris, mais le voir à l’ouvrage était jubilatoire. Souple comme une liane, il avait un pied à terre et l’autre jambe en équerre sur la table. Curieuse position qui semblait lui donner l’équilibre nécessaire pour scier. 
Impossible de lui donner un âge, à cet homme à l’allure de cueilleur de riz basané par les vents et le soleil de Thaïlande. 
 
Quand il a eu fini, je me suis rendue compte que la jaquette ne fermait pas. J’ai tenté de me faire comprendre. Entretien avec le jeune apprenti.  
Le vieil homme a souri et m’a demandé quelques bahts pour aller chercher des charnières (la gentillesse thaïe n’a pas de limites). 
Il est revenu avec, les a placées avec application mais…… à l’envers.  
Rappel de l’apprenti sauveur et re conciliabule. 
Re demande de quelques bahts et retour pour achats de nouvelles charnières, les autres ayant rejoint la poubelle car arrachées à la hâte et sérieusement déformées. 
Nouvelles charnières, sourire, rabot et travail pour creuser une place pour les fixer, avec cerise sur le gâteau, une moulure pour cacher les clous. 
 
La jaquette finie avait l’air d’un catafalque, mais l’homme fier de son travail me l’a tendue avec un sourire conquérant. 
J’ai remercié, suis allée lui acheter un paquet de ses cigarettes pestilentielles et l’ai félicité, hypocrite, mais attendrie par ses efforts. 
Puis j’ai voulu le régler mais, fièrement, il a refusé et a donné l’argent en pourboire à l’apprenti. 
 
Je suis repartie avec le fruit de son travail sous le bras (une innommable horreur), mais dans le cœur, le bonheur d’un moment délicieux. 
 
 
 
LETTRE OUVERTE A UNE PETITE SŒUR AUX YEUX BRIDES 
 
 
J’habite à Jomtien, dans une rue où les gogo bars sont légion. 
 
Vos regards me brisent le cœur, lorsqu’au bras d’un vieux barbon, vous devez donner le change. 
Vous, pour qui l’amour n’est qu’une transaction financière et qui tenez tendrement par la main - sens inné du devoir - un gros tas de chair faisandée. 
Vous qui passez le plus clair de votre temps à simuler la passion pour sortir de l’impasse. 
Vous êtes, là aussi, victimes de l’injustice.  
Certaines d’entre vous, plus chanceuses, trouveront un brave mari qui leur offrira le confort dont elles rêvent. Les autres vieilliront là, dans les odeurs de bière, les relents de sperme, de transpiration et la hantise des cheveux blancs. 
 
Hier en me promenant, j’ai vu une jeune gogo girl épiler les cheveux blanchissants d’une de ses « consœurs ». 
Triste solidarité devant le temps qui passe. 
Ce spectacle, je l’ai vu de nombreuses fois ici où le jeunisme n’a pas les moyens de la chirurgie esthétique. 
Je ne peux m’empêcher en regardant ces scènes de penser aux fleuristes peu scrupuleux qui retirent les pétales des roses avancées pour pouvoir les vendre. 
 
Vous, si démunies et pourtant si généreuses, nourries de séries américaines au point de confondre Dr Jekyll avec Mr Hyde et qui finissez parfois dans le fin fond d’un morne village anglais, avec un triste raté que vous avez pris pour un libérateur ! 
Vous, fleurs d’un eldorado sexuel où n’importe quel traîne-misère en possession d’une carte bancaire a des problèmes à gérer l’abondance des femelles prêtes à tout. 
 
Combien de couples explosent ici, dans ce royaume de l’illusion pour homme seul ou mal accompagné ? 
 
Epouser un farang (étranger) pour décrocher le gros lot : la cuisine équipée, le condo moderne, la machine à laver, le micro ondes, tous ces merveilles d’ingéniosité pour la libération de la femme au foyer… 
Sans parler de la tentation permanente des boutiques de fringues « je dépense donc je suis ». 
 
Elles sont loin les rizières Issaan, l’American dream a gagné. 
 
(c) cohen suzy - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 5.11.2005
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